mardi 17 avril 2018

D&D : Planescape : une extension pour les gouverner toutes


D&D : Planescape : une extension pour les gouverner toutes
S’il y a une extension pour D&D qui m’a vraiment marqué, c’est bien celle-ci. Pour les non-initiés, Planescape est un univers de jeu pour Advanced Dungeons & Dragons sortie en 1997 en France et dont l’immense majorité des publications n’ont pas été traduites de l’anglais. Certains connaissent l’univers grâce à l’excellent jeu Planescape Torment, sorti peu après Baldur’s Gate 1er du nom, sur PC, à la fin des années 1990. Il s’agit ici d’adapter le concept d’univers parallèles, très présent dans le domaine de la science-fiction (De l’autre côté du miroir, A la croisée des mondes, Sliders, the Fringe, Retour vers le futur II, etc…) à une ambiance initialement médiévale fantastique. Richement illustrée, un contenu fourmillant de détails allant jusqu’à développer un véritable argot, facile à lire, cette édition est un grand bol d’air frais au milieu de l’immensité des publications D&D sans intérêt. Cette extension est désormais introuvable, j’avais à l’époque acheté la mienne au rabais alors que la 3e édition de D&D venait de sortir et rendait (en théorie) tous les suppléments précédents caduques. Elle n’a malheureusement jamais été rééditée telle quelle et on a eu droit pour la 3e édition à un fade « manuel des plans » qui est loin de retranscrire l’ambiance de l’édition originale.

Laissez-moi donc vous présenter cet univers, ou plus exactement, CES univers de jeux, et comme toujours, comment aborder cette extension du point de vue du MJ.





Présentation


Imaginez que l’univers dans lequel nous vivons n’est qu’une des innombrables facettes d’un immense système, doté d’une infinité de dimensions parallèles. Chacun de ces univers représente alors ce que l’on appelle un « plan ». L’ensemble de cette infinité de plans est appelé « Multivers », et regroupe donc absolument toute la création. Ces différents plans ne communiquent pas directement, mais il existe des moyens de passer de l’un à l’autre. Voyager ainsi entre les plans est réservé aux dieux et à leurs serviteurs, ainsi qu’à une poignée d’initiés (mal)chanceux. Du point de vue du MJ tout comme des joueurs, cette extension vous offre l’infini. Pourquoi se contenter d’un seul monde quand on peut avoir l’univers  ?

L’idée est de donner une cohérence d’ensemble à tous les univers de jeu D&D, qu’ils soient commerciaux (Dragonlance, Royaumes Oubliés, Ravenloft, etc…) ou complètement inventés par de nombreux MJ inspirés. C’est simple, ils existent tous dans des univers parallèles et il est possible de les faire communiquer. Mais bien au-delà de ce concept, l’extension met en place tout un ensemble de plans centraux qui non seulement régissent l’organisation des autres plans, mais qui sont aussi la résidence des différentes divinités idolâtrés dans l’univers. Au milieu de ce multivers s’étend l’Outreterre, une vaste étendue aux frontières floues, sorte d’antichambre vers les plans les plus exotiques, et en son centre trône la légendaire Sigil, cité singulière et surréaliste en forme d’anneau, à laquelle tous les plans de l’existence sont reliés.

La véritable force de cette extension est d’avoir unifié l’ensemble de la gamme D&D, tout en l’enrichissant de concepts et de lieux très travaillés. Nous reviendrons plus en détail sur Sigil, qui est la pierre angulaire de toute aventure Planescape.


Voyager entre les plans


A moins de disposer d’une puissance quasi divine, le moyen le plus sûr de s’y prendre est de trouver un « portail » qui, une fois traversé, mène vers un autre plan. Chaque objet ou construction ayant vaguement la forme d’une arche peut abriter un portail. Il peut donc s’agir d’une arche naturelle de pierre, ou bien formée par les branches entrecroisées de deux arbres, mais aussi d’un simple encadrement de porte, d’une fenêtre, de l’immense entrée d’un temple… Certains portails sont permanents tandis que d’autres ont une durée de vie limitée et très variable. Mais il ne suffit pas de trouver un portail pour pouvoir l’emprunter : chaque portail dispose d’une clef qui permettra de l’utiliser. Encore plus que le portail, cette clef peut prendre absolument n’importe quelle forme : il peut s’agit d’une véritable clef, ou du plus anodin des objets (vieille botte moisie, trognon de pomme, épée, vêtement…), voire même d’une parole ou d’une émotion ressentie à ce moment. Une fois le portail activé, cette clef peut persister ou bien être détruite, selon le bon vouloir du MJ. Et attention, certains portails marchent dans les deux sens tandis que d’autres ne marchent que pour l’aller… Et même si le portail fonctionne pour le retour, rien ne garantit que sa clef soit la même dans l’autre sens ! N’oubliez pas non plus que les portails peuvent avoir une durée de vie limitée et disparaitre aussitôt franchi…


Sigil


La voici, la véritable perle de cette extension. Sigil est une cité improbable et impossible, déjà par sa forme d’anneau ou comme si l’on avait construit une fourmilière à l’intérieur d’un pneu de voiture géant. De fait, par temps clair (ce qui est rare, la ville étant perpétuellement immergée dans un nuage de pollution soufré), il est possible de voir la partie opposée de la ville juste en levant les yeux. Preuve de son statut de ville impossible, Sigil est située au sommet d’une montagne de hauteur infinie appelée le moyeu, elle-même au centre de l’Outreterre qui s’étend sur une surface sans fin. Cette ville est nommée la « cité des portails » car on dit qu’il existe au moins un portail partant de Sigil et allant vers chaque plan de l’existence. Il s’agit donc d’un nœud de communication important, d’autant plus que les divinités et puissances extérieures n’ont pas d’influence directe sur la cité. Car cette ville sanctuaire est dirigée par l’énigmatique Dame des Douleurs qui ne s’exprime jamais directement et dont on ignore l’identité exacte. En pratique on sait peu de chose, si ce n’est qu’il s’agit d’une créature suffisamment puissante pour imposer sa volonté sur des êtres aussi puissants que les dieux eux-mêmes.

La cité à proprement parler a tout de la fourmilière. Surpeuplée, les gens vivent entassés les uns sur les autres dans un agglomérat de constructions plus au moins anarchiques. La circulation y est difficile, l’air vicié de pollution, mais néanmoins, la cité attire toujours plus de monde. Porte d’entrée privilégiée pour les explorateurs des plans, la cité est aussi une forme de sanctuaire à l’abri des influences extérieures. Une jolie ambiance de désordre se dégage de cette cité grouillant de vie, où chaque habitant cherche à survivre et à creuser son trou si possible en s’y mettant plein les poches. L’image me venant à l’esprit serait un vieux camembert laissé au soleil dans lequel aurait élu domicile une nuée d’asticots.

Le quotidien y est organisé autour de factions, sortes de groupes identitaires qui donnent littéralement vie à des concepts et à des idées. En fonction de leurs idéologies, les factions occupent chacune un rôle dans la vie publique de Sigil. Par exemple, les  disciples de l’Harmonium pensent que la paix et la stabilité peuvent ne peuvent être garanties que par une loi unique : la leur. C’est tout naturellement qu’ils s’occupent du maintien de l’ordre dans la cité, à leur manière, bornée et autoritaire. Les Hommes-Poussière, d’un autre côté, croient que la vie et la mort ne sont que des concepts erronés et qu’il existe un état de « Mort Véritable », état de perfection que l’on ne peut approcher qu’en se débarrassant de ses passions et de sa raison. Ils occupent la fonction de croque-morts au sein de la cité. Les factions sont aussi nombreuses que variées, défendant des thèmes aussi saugrenus que l’égocentrisme, ou même le chaos total… Bien évidemment, l’idéologie d’une faction peut être en totale contradiction avec celle d’une faction opposée, ce qui engendre régulièrement des « frictions », tout comme certaines idéologies peuvent être suffisamment proches pour amener des factions à s’allier. Dans un contexte plus global de lutte d’influence permanent pour le contrôle de la ville. Car oui, chaque faction possède le rêve secret de dominer Sigil et de la modeler à son image. Au milieu de tout ça, les PJs, qui peuvent facilement se retrouver instrumentalisés. En deux mots, ce sont les factions qui se partagent le pouvoir à Sigil, et les PJs auront à faire à elles.


Particularités de Planescape pour le MJ


Cette extension apporte une (infinité de ^^) dimension(s) supplémentaire(s) à une expérience de jeu classique de par la grande liberté scénaristique qu’elle procure. On peut très bien utiliser l’extension comme une manière pratique de « changer de décor », de se rendre rapidement d’un lieu à l’autre de manière rapide avec une transition toute faite, tout comme il est possible de s’appuyer sur la richesse extraordinaire de Sigil, de l’Outreterre et des plans supérieurs comme inférieurs. Mais il est également possible de jouer sur les univers parallèles « miroirs », où les PJs se retrouvent dans un monde qui semble être une copie du leur, avec leurs doubles, mais où se sont produits de nombreux faits alternatifs. C’est reprendre le principe de la série Sliders par exemple, où les personnages sont contraints de voyager dans des univers qui sont souvent très proches mais où certains évènements ont changé le cours du monde de manière assez profonde (la généralisation du clonage, l’absence d’arme nucléraire, la Terre connaissant une ère glaciaire…).

Le principe même des portails peut également être utilisé de très nombreuses manières comme ressort scénaristique. Les PJs peuvent être au courant de l’existence des portails et en rechercher un pour un but précis ; mais ils peuvent aussi y être confrontés de manière « fortuite ». Exemple classique mais souvent efficace : les PJs se retrouvent pris aux piège et encerclés dans un lieu sans aucune chance de fuite ni de survie. Soudain, ils se retrouvent nez à nez avec un portail qu’ils activent sans y prêter attention, et doivent l’emprunter sans trop savoir ce dont il s’agit, dans l’urgence et la précipitation. Et hop, voici nos aventuriers embarqués pour de nouvelles aventures multidimensionnelles ! ^^

Les portails peuvent être des éléments centraux d’une intrigue. Pour un groupe d’explorateurs involontaires du multivers, qui se seraient aventurés dans l’univers de Planescape pour échapper à une situation désespérée (par comparaison, cela reviendrait à sauter par la fenêtre du 15e étage pour échapper à l’incendie qui ravage l’immeuble), l’objectif est tout trouvé : rentrer chez eux. Dans ce cas, on s’efforcera bien entendu de rendre le portail qui les a conduits hors de leur plan inaccessible. Il existe de nombreux moyens pour ce faire : détruire le portail qui les a conduit hors de chez eux une fois qu’ils l’ont passé ; faire en sorte que la clef d’activation du portail ne soit pas la même que pour le reprendre en sens inverse, ou bien faire en sorte qu’on leur dérobe la clef ou qu’elle soit à usage unique, par exemple. Il est également important d’une certaine manière de limiter l’utilisation des portails au cadre de l’aventure, pour éviter que la partie ne devienne un bordel monstre…


En conclusion

Planescape est sans aucun doute l’univers de jeu que je préfère de toute la gamme D&D. D’une part, les suppléments (maintenant introuvables) d’AD&D sont très bien écrits et remplis d’informations, avec une pointe d’humour particulièrement bien sentie qui transporte littéralement dans un autre monde. Toute une rubrique du libre de base est consacrée par exemple à l’argot parlé à Sigil, et que l’on retrouve dans tous les autres chapitres. Les illustrations sont de qualité et participent également à l’ambiance.

Par ailleurs, cette extension de jeu est « l’extension pour les gouverner toutes », c’est-à-dire qu’elle va unifier tous les univers de jeu D&D déjà existants pour les rendre tous compatibles et interdépendants. Cela ouvre des possibilités scénaristiques infinies et c’est un outil parfaitement excellent pour tout MJ qui se respecte !

Même si la plupart des éditions originales sont difficiles à trouver (et encore, un certain nombre de productions n’ont jamais été traduites de l’anglais), il est toujours possible de trouver des infos sur internet qui retranscrivent cette fameuse ambiance unique.
Je vous souhaite bon jeu dans le Multivers !


Liens

Lien vers : http://www.donjondudragon.fr/univers/planescape.html Le donjon du dragon, site qui regroupe pas mal d’infos sur les différents univers de jeu D&D à travers l’histoire !


Mes autres articles pour D&D :

- Démolir les vieux clichés
- Démolir les clichés : la magie
- Ravenloft



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